le 16 mars dernier, la Bibliothèque Nationale de France
a proposé une journée de réflexion sur le thème
IL SERA UNE FOIS LES CONTEURS...
Muriel Bloch, coorganisatrice de ce projet
m'a proposé de venir parler de la série de films
ETRE CONTEUR AUJOURD'HUI.
Etant pris par ailleurs, je n'ai pu m'y rendre,
mais ai envoyé deux textes :
le premier :
ETRE
CONTEUR AUJOURD’HUI
Une série de films visibles sur
YOUTUBE
proposée par PASCAL QUÉRÉ,
conteur
Un film chaque mois, depuis janvier 2015
Depuis 1986, je m’interroge
sur le rôle et la fonction du conteur. J’en avais grand besoin, me considérant
comme « orphelin » des conteurs traditionnels. Je n’ai reçu aucune
transmission directe, aussi ai-je appris, comme beaucoup d’entre nous, auprès
des « nouveaux conteurs » qui eux-mêmes faisaient ce qu’ils
pouvaient. Par la suite j’ai complété cet apprentissage par des lectures, des
recherches, des échanges avec d’autres quêteurs, j’ai participé à des
colloques, etc.
Entre 1994 et 1999, j’ai fait
paraître une revue qui avait comme sous-titre « La revue du
conteur » : « DANS LE VIVIER DU CONTE ». Elle présentait des
portraits de conteurs contemporains, des témoignages sur la façon de travailler
et de progresser, des études sur des thèmes dont les contes sont composés,
toute ue série d’articles qui permettaient aux conteurs amateurs de repérer
quelques pistes à explorer, quelques haltes à apprécier.
Puis, en 2014, au CMLO
(Centre Méditerranéen de Littérature Orale – Alès-en-Cévennes), Marc Aubaret
son directeur a désiré réfléchir sur la critique du conteur, à l’occasion d’un
séminaire d’une année. Lorsqu’est venue sur la table la question des traces
laissées par les conteurs (enregistrements, publications, programmes, affiches,
archives), je me suis dit que le moment était venu de réaliser un rêve caressé
pendant des années : recueillir la parole DU conteurs sous forme de films
dans lesquels IL aurait loisir d’évoquer SON parcours, partager SES
questionnements sur SA pratiques, préciser SES spécificités artistiques,
techniques et personnelles, et enfin parler de la relation qu’IL entretient
avec un conte en particulier.
Je précise que ce travail n’a
aucune prétention scientifique ou sociologique ; il s’agit simplement de
rencontrer une personne pendant deux à trois heures, de lui offrir un cadre
dans lequel elle se sente en confiance, de la laisser parler comme elle le
sent. Dans la mesure du possible, la rencontre se passe dans le lieu de
résidence ou de travail privilégié. Soit je laisse la caméra au même endroit, soit
je filme dans plusieurs espaces.
Une seule constante (avec
pourtant quelques exceptions…) : je laisse de côté la parole conteuse au
profit d’une parole personnelle. On me l’a reproché. J’estime que l’on a
davantage l’occasion d’écouter conter un conteur que de l’écouter parler de
lui-même.
Le choix de l’invité obéit à
un critère d’importance à mes yeux : conter depuis au moins 10 ans, mieux
encore, entre 15 et 20 ans, de façon à avoir connu quelques étapes
signifiantes, des errances, des exhaltations, des fulgurances ; de quoi
transformer un être durablement.
Je ne me fie pas à mes
sentiments pour aller vers tel ou telle. Je préfère suivre mon intuition,
laisser le projet se mettre en place tranquillement. Je profite des
opportunités des agendas… Je connais bien certains, moins d’autres et pas du
tout quelques uns.
Je lui envoie quelques semaines
avant le tournage une série de questions, de thèmes dans lesquels elle peut
piocher ou choisir d’ignorer. En fait, j’accueille ce qu’elle a envie de dire,
la façon dont elle veut se montrer, se révéler. Plusieurs m’ont fait part du
caractère sérieux et impressionnant de l’exercice qui demande au préalable réflexions
et état des lieux du cheminement.
Ensuite, je réalise le
montage qui me semble le plus pertinent, dans une totale liberté. Chaque film
impose sa logique, sa forme, et c’est devenu un jeu pour moi d’aller à la
découverte de cette logique lorsque je regarde les rushes… Comme si le film
préexistait et qu’il fallait aller à sa découverte, afin d’en extraire
l’essentiel.
(Je fais allusion ici à Jean
Cocteau qui vivait chaque instant de l’élaboration d’un film comme la vie de ce
film qu’il fallait traverser pour le connaître, même si cela l’emmenait loin de
ce qu’il avait prévu).
Parfois j’utilise des titres
de chapitres,
d’autres
fois ils n’ont pas leur place.
Parfois de la musique,
d’autres fois
elle serait importune.
Parfois un montage avec des
plans courts,
d’autres fois des longues
minutes respectueuse de
la sinuosité
de la parole
Parfois j’intercalle des
prises de vues de l’environnement, de la décoration dans laquelle vit et
travaille cette personne,
d’autres fois, je reste centré
sur elle.
Lorsque le montage est
terminé, nous le visionnons ensemble et il n’est mis en ligne qu’après
validation par les deux parties.
Il m’est arrivé de refaire
entièrement un montage qui ne convenait pas à un conteur, ou renoncer à en
terminer un à cause de critères qualitatifs (parole hésitante, idées pas assez
développées, trac trop marqué, etc.). Dans ce cas, nous reprenons rendez-vous
ultérieurement et repartons à zéro.
Mes convictions, mes habitudes
sont malmenées au fur et à mesure de cette expérience : être en contact
avec d’autres façons de vivre le conte sont de salutaires leçons qui
dépoussièrent les étagères trop bien rangées…
L’on me demande
parfois :
- Pendant combien de temps vas-tu présenter ces
films ?
Ah ! Ah ! je ne sais pas.
Le temps évident.
Tant que j’aurais
l’impression de vivre de nouvelles choses.
Tant que je me sentirai
habité par la passion la curiosité, l’empathie à l’égard des autres conteurs.
Je peux vous assurer que ce
moment n’est pas en vue.
Pascal Quéré
10
mars 2017
Merci à Muriel Bloch de
m’avoir invité à témoigner de la sorte.
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Le second, publié précédemment sur ce blog,
POURQUOI ? MAIS POURQUOI DONC ?