mardi 17 juin 2014

LA BANDE-ANNONCE - LES TRACES


     J'ai découvert le conte comme "monde réel", avec des conteurs, des conteuses, des soirées contes, des festivals, des émissions de radio (France Culture), en 1982. Je contais déjà depuis 7 ans, dans l'ignorance la plus complète.
Les réactions autour de moi étaient assez semblables à ceci :
- Qu'est-ce que tu fais ? 
- Moi ? Je suis en train d'apprendre à devenir conteur ? 
- Conteur, c'est quoi ça ? 
- Ben, quelqu'un qui conte des histoires...
- Ah, une sorte de mime !
- Non, parce que le mime ne parle pas...
- Ah, un comédien alors !
- Non, ce n'est pas du tout pareil. Le comédien apprend un texte et respecte une mise en scène ; le conteur improvise sur un canevas.
- Ah, un chansonnier !- Non, un chansonnier joue avec l'actualité, alors que le conteur s'inspire de ce qui s'est raconté depuis des lustres. 
- Je ne comprends pas. 
- Tu connais "Blanche-Neige", Cendrillon", "Le Belle au Bois Dormant", "Aladdin" ? 
- Évidemment, ce sont des histoires pour les enfants. C'est ça que tu racontes ? 
- Oui, ce genre de contes, et d'autres encore, mais pas seulement pour les enfants. 
- Comment ça ? 
- Les contes sont pour tout le monde, adultes, ados, enfants...
- Tu es sûr ? 
- Bien sûr que je suis sûr. 
- Mais ça n'intéresse plus personne aujourd'hui. 
S'ensuivait assez souvent une explication plus poussée (selon le niveau d'intérêt que manifestait la personne). Dans le meilleur des cas, j'invitais mon interlocuteur à participer à une soirée de contes. Lorsqu'il acceptait de venir écouter, son approche changeait. Dans le pire des cas un jeu de mot sur le "compteur" d'électricité ou de gaz clôturait la conversation et nous en restions-là.

     Le conte comme mode d'expression adaptée à nos contemporains n'était pas évident à démontrer, à cette époque-là. Quelques trente années plus tard, nous avons gagné un peu de terrain, mais beaucoup reste à faire.
Le nouveau conteur doit démontrer la validité de sa présence et du contenu qu'il propose ; je suis habitué et m'y colle régulièrement avec plus ou moins d'inspiration.
Mais parallèlement, j'avais conscience de participer à une "aventure" commune, celle d'un mouvement étrange, à la fois ancien et moderne :
-> issu de la ville (les nouveaux conteurs sont en majorité des urbains),
-> issu de l'écrit (les nouveaux conteurs ont rarement l'occasion d'entendre des contes de la bouche de conteurs traditionnels),
-> issu d'un passé à vivifier (il arrive aux nouveaux conteurs de conter des histoires anciennes).
Il fallait "laisser des traces", comme un Petit Poucet découvrant la forêt des contes.
La revue "DANS le vivier du conte" fut le moyen que je trouvais le plus adapté pour témoigner de notre quotidien, de nos rêves, de nos tentatives, cette série de documentaires filmés en est une autre.

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