samedi 11 avril 2015

POURQUOI ? MAIS POURQUOI DONC ?

Oui, pourquoi ? 
Plusieurs fois la question m'est posée. 
Il semble que ce soit la première qui vient à l'esprit des personnes que je rencontre. 
 
Pourquoi tant d'énergie ? 
Pourquoi tant de temps ? 
Pourquoi tant de travail ? 
Pourquoi partir sur un chemin qui n'est pas le tien (le documentaire filmé) ?
Qu'aurais-tu à dire de plus que ce que tu as déjà fait avec la revue DANS LE VIVIER DU CONTE ?

Je respire un grand coup et je réponds : 
Parce que : 
le conte est important pour moi, 
le conteur l'est tout autant, 
je suis intéressé par la façon qu'ont les autres conteurs de vivre avec le conte, 
je suis intrigué par l'évolution intérieure qui peut se mettre en place grâce au conte, 
je suis passionné par la parole introspective, 
j'apprécie l'authenticité des témoignages.
Parce que les questionnements qui traversent les uns et les autres sur la matière du conte, la narration du conte autrefois et aujourd'hui, le pourquoi du conte, les définitions du conte, les comparaisons entre les différents contes des différentes cultures me bouleversent...

Parce que j'aurais voulu être 
JACQUES CHANCEL, pour porter "Radioscopie" au pinacle des entretiens radiophoniques en plongeant au coeur de chaque personne invitée,
ORSON WELLES, pour révolutionner le cinéma et joua avec maestria de la voix off du narrateur,
AGNÈS VARDA, pour utiliser le documentaire visuel en artiste avisée et inventive, 
JEAN COCTEAU, pour réaliser le film "La Belle et la Bête" ET QUI, parallèlement, écrivit le "Journal d'un film" afin de partager les aléas de la création et de la réalisation, entre deux problèmes de santé,
FRANÇOIS TRUFFAUT,  pour pousser Alfred Hitchcock à parler de la spécificité de son cinéma, 
JACQUES PRÉVERT et MARCEL CARNÉ, pour créer le chef-d’œuvre "Les Enfants du Paradis", ode à la beauté du spectacle, à la grandeur et à la folie de l'amour, 
JAMES CAMERON, pour plonger aux fin fond des abysses de la nature humaine sous forme d'un conte initiatique : "Titanic" (sans oublier "Abyss" et "Avatar"),
(Note : je reviendrai ultérieurement sur le sujet "TITANIC, UN CONTE INITIATIQUE ?", que j'ai développé sous forme d'une conférence à laquelle je tiens beaucoup).
etc.

Je suis PASCAL QUÉRÉ
-> un humain ébloui par la façon qu'ont les humains de mettre en récit leurs expériences, leurs désillusions, leurs aspirations et leurs rêves,
-> un conteur qui parle par images, qui se trouve propulsé au cinéma chaque fois qu'il conte, chaque fois qu'il écoute (et ce, même dans la vie quotidienne : je transforme les paroles entendues par des images mouvantes que je découvre, jusqu'à oublier qui me parle et ce que je dois répondre...),
un cinéphile éclectique et obsessionnel, qui n'hésite pas à revoir plusieurs fois un film qui lui pose questions (existentielles) et problèmes (techniques), 
-> un curieux qui conçoit le documentaire (radiophonique) et cinématographique comme des aventures incontournables, 
-> un amateur (au sens d'aimer, aimer, aimer) d'expérimentations de toutes natures depuis l'adolescence. 

Lorsqu'à 17 ans, je découvre la photographie par diapositives, je sais qu'un jour je réaliserai des diaporamas sur des sujets portant sur l'humain, les étapes de vie, les parcours personnels.
J'en ai 40 de plus et les diapos sont devenus des films en format digital, avec une caméra plus petite que mon appareil reflex de l'époque.

Plusieurs aventures m'attendent :

La première est de penser à celles, à ceux que je connais.
Imaginer les retrouvailles (je n'a pas vus certains depuis plusieurs années).
Leur écrire. Me faire persuasif sans forcer.
Attendre les réponses.
Décider du rendez-vous.
Petite précision : je préfère filmer les personnes chez elles, dans leur environnement. Cela implique des déplacements à organiser.

Le jour arrive... Il s'agit de la seconde aventure.
Je m'approche,
je m'approche,
je suis là mais on ne me voit pas,
je pose quelques questions basiques,
et je laisse parler,
j'adopte les silences, les recherches de formulations, les erreurs, les trouvailles.
Je ne bouge pas (à dessein) la caméra, pour ne pas perdre le contact, le fil avec la personne qui ose parler juste et vrai.
Je n'ai pas d'à-priori.
Pas de plan préconçu.
Je laisse venir.
Je prends des notes pendant l'entretien, sauf si cela peut déstabiliser.

Ensuite...
C'est une autre histoire, la troisième aventure.
Je laisse passer du temps avant de regarder les rushes.
Je fais le mort, l'ours, l'invisible. Je n'y suis pour personne.
Rien ne doit m'extraire du mouvement.
Lorsque je plonge dans le film à faire, c'est comme un saut dans le gouffre, sans parachute, avec la seule certitude que des ailes me pousseront au bon moment, pour atterrir là où je dois me rendre.
Je suis un adepte de la croyance de Cocteau : le film est comme un être qui préexiste et poursuit son but ; le réalisateur met tout en œuvre pour lui permettre de se mettre au jour.
Je regarde en comparant mes souvenirs des prises de vues et la réalité de ce qui a été filmé.Les notes me sont utiles et c'est souvent à partir d'elles que le montage est initié. Si je n'en ai pas, je décrypte les propos et je repère ce qui m'apparaît important concernant le conte ET représentatif de la personne qui témoigne.
Le montage est l'étape fondamentale. Je m'appuie sur mes recherches précédentes consacrées au fonctionnement du récit, à la valeur de la dramaturgie, à la raison d'être du rythme dans la narration.

La quatrième aventure est la rencontre avec la personne pour lui montrer son film et discuter de ce qui va, ne va pas, de ce que je peux laisser tel quel ou modifier. Je suis récompensé de mon travail lorsque j'entends qu'elle se retrouve entièrement dans le résultat.

 La cinquième est tissée de patience : la mise en ligne sur youtube, qui peut durer de 14 à 40 heures selon l'endroit où je me trouve, la box dont je dispose et la connexion possible...

La sixième est l'article à écrire sur ce blog, pour présenter l'invité (paradoxalement, c'est à ce moment-là que je ressens les effets du trac). L'exercice impose quelques lignes précises qui correspondent bien à la réalité du résultat.

La septième est la réception des réactions, par courriel, sms, paroles téléphonées ou de vive voix.
Avec souvent cette question, "pourquoi ?"...

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